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Linguistique de
discours comparative et questions de société : comment intervenir dans le débat
?
En linguistique de
discours comparative, on compare différentes cultures discursives par
l'intermédiaire des productions verbales qui en relèvent. Dans cette optique, je
cherche à mettre en rapport les manifestations d'un même genre discursif dans au
moins deux communautés ethnolinguistiques différentes, genre dont il s'agit
alors de décrire et d'interpréter les régularités et les variabilités
discursives. À travers les traces linguistiques des représentations discursives
construites et les représentations mentales inférées, je cherche à établir des
hypothèses concernant les représentations sociales. Dans le cadre de cette
discipline, j'ai effectué, entre 2004 et 2008, la comparaison de trois " guides
parentaux " français et de trois guides allemands, s'adressant tous à des
parents d'enfants jeunes, entre la naissance et l'âge de six ans environ,
comparaison qui coïncidait avec un débat public en Allemagne au sujet des
problèmes de démographie, d'une nouvelle loi concernant le congé parental, et
des modes de garde d'enfants en bas âge en général. Au cours du débat,
beaucoup de comparaisons de " réalités " (lois, système scolaire, modes de
garde) ont été évoquées, y compris avec la France, comparaisons qui ont débouché
sur un certain nombre de recommandations. Mais il me semble que pour comprendre
pourquoi il est aussi difficile de changer les habitudes en matière de
responsabilité parentale, garde d'enfants, etc., il faut s'interroger non
seulement sur les réalités institutionnelles et statistiques, mais aussi sur les
représentations sociales, interrogation qui rend utile l'intervention d'une
comparaison discursive comme celle que j'ai effectuée. Je m'inscris donc dans
une logique de " linguistique d'intervention " à l'intérieur de laquelle la
demande sociale peut se manifester comme " conséquence directe " d'une étude
réalisée dans un premier temps indépendamment d'une demande extérieure (cf.
Vincent 2005 : 167) . En effet, en partant de catégories comme les
types textuels, le discours rapporté, la désignation et la caractérisation, le
positionnement de la personne, etc., mon analyse met au jour des représentations
discursives de la parentalité en France et en Allemagne (et qui permettent donc
de construire des hypothèses quant aux représentations sociales) :
- père absent et/ou ne s'occupant de l'enfant que quand il le veut
; - mère qui, en revanche, doit s'occuper de l'enfant, obligation non
expliquée dans les guides allemands, mais motivée dans les ouvrages français par
un certain pouvoir ainsi que par un savoir supérieur à celui du père
; - centration sur l'enfant dans les guides allemands ; cadre plus "
adultocentrique " dans les guides français ; - le fait de
s'occuper de l'enfant comme activité naturelle dans les ouvrages français versus
activité professionnelle dans les guides allemands ; - conception "
publique " de la responsabilité pour l'enfant dans les guides français versus
conception " privée " dans les ouvrages allemands. Cette analyse montre qu'on
propose dans les guides français un " système " de représentations discursives
assez cohérent alors qu'on constate un décalage dans les guides allemands entre
les représentations égalitaires homme/femme devant la parentalité et la
responsabilité maternelle totale. En ce qui concerne l'intervention dans le
débat public, cette analyse peut permettre non seulement de comprendre la
situation actuelle, mais aussi d'établir un pronostic quant aux chances de
réussite de tel ou tel nouveau dispositif, selon qu'il nécessite ou non un
changement plus ou moins profond dans les
représentations.
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