Pratiques de participation à une activité de groupe et " re-socialisation "
 
Dans la société actuelle notre capacité à nouer des relations avec les autres  est cruciale pour l'acquisition d'un pouvoir quelconque, personnel ou social. 
Faisant partie intégrante du capital symbolique et social de l'individu, le capital  communicationnel est tout aussi essentiel que l'était autrefois la possession des biens matériels (Bourdieu, 1973). Si l'" on ne peut pas ne pas communiquer ", comme l'affirmaient P. Watzlawick, J. Helmick Beavin et Don D. Jackson ( 1972 :125), il est intéressant de savoir comment  on apprend à sortir de notre solitude en rebâtissant des liens avec les autres.
En nous appuyant sur un  corpus constitué d'enregistrements audio/vidéo de plusieurs ateliers de chant, nous nous interrogeons sur la contribution et les limites de l'analyse de conversation d'inspiration ethnométhodologique (Sacks et al., 1974 ; Heritage, 1997; Schegloff, 1992) dans le contexte plus grand des recherches sur la dépression.
Les ateliers enregistrés ont lieu dans un centre thérapeutique qui lutte contre l'isolement et la dépression en adoptant une démarche de " re-socialisation " des sujets qui y arrivent, pour la plupart, dans un état de détresse psychologique. Si les circonstances externes aux ateliers ne doivent pas être utilisées dans l'analyse que lorsqu'elles sont conséquentes  pour les participants (Schegloff, 1972, 1991), cela nous amène à réfléchir sur la question de la conséquentialité : comment nous décidons qu'une information externe est conséquente pour les participants et de quelle sorte de conséquentialité il s'agit. Nous adoptons une conception dynamique du contexte, tant du contexte local des productions consécutives que du contexte plus large des cadres institutionnels (Drew & Heritage, 1992, Duranti & Goodwin, 1992).  
          Dans un premier temps, nous observons diverses modes de gestion de la participation à travers la description du mécanisme ("machinery") des tours de parole (Sacks, Schegloff, Jefferson, 1974 ; Schegloff, 2007) qui rend compte de la coordination des locuteurs leur permettant d'intervenir dans la conversation de façon ordonnée, méthodique et reconnaissable.
          Dans un deuxième temps, cette " architecture de l'intersubjectivité " (Heritage, 1984 :254) nous amène à réfléchir sur la structuration interactionnelle des catégories (Sacks, 1972a,b, 1992; Hester, 1994; Watson, 1994 ; Lepper, 2000).
Nous prenons le défi d'observer les identités dans leur dynamisme (Antaki&Widdicombe, 1998 ; De Fina, Schiffrin, Bamberg, 2006; Benwell&Stokoe, 2006), en nous appuyant sur l'orientation des participants vers des pratiques identitaires contextualisées. Cette orientation se fait non pas par le choix d'une catégorie donnée, mais par le choix d'un dispositif de catégorisation (Sacks, 1992, 1972a, 1972b). Les catégories et les identités sont conventionnellement associées à des activités, des droits et des obligations.
        Nous argumentons ici qu'une analyse séquentielle et une analyse des dispositifs de catégorisation rendent possible une approche dynamique, interactionnelle de la " re-socialisation ". La reconstruction du lien social dans l'activité de groupe analysée se fait à travers des routines conversationnelles et cette double approche a le mérite de rester fidèle à la façon dont les participants comprennent les activités mises en place et leur enjeu identitaire.