La linguistique du discours et de l'interaction face aux défis de la formation professionnelle initiale
 
Les dispositifs de formation professionnelle initiale en vigueur en Suisse ont connu récemment d'importantes réformes et constituent aujourd'hui plus que jamais un champ pratique traversé de multiples controverses. Parmi celles-ci, la qualité de l'accompagnement des jeunes sur la place de travail fait l'objet de constants débats : l'expérience du travail en entreprise permet-elle réellement de favoriser des apprentissages et de contribuer à la construction d'identités professionnelles ? Les jeunes en formation sont-ils correctement encadrés dans les entreprises formatrices ? Conviendrait-il de former davantage les professionnels qui encadrent les apprentis en situation de travail ? Et si oui, à partir de quelles bases empiriques concevoir ces formations ?
L'objectif de cette conférence est de montrer comment des conceptualisations et des méthodes de recherche issues de la linguistique du discours et de l'interaction peuvent contribuer à prolonger ces débats et à répondre à ces questions, notamment en proposant, par des analyses détaillées de l'activité, une compréhension accrue des mécanismes interactionnels propres aux dynamiques de formation.
Pour aborder ces problématiques, nous aurons recours à un vaste corpus d'enregistrements audio-vidéo constitué depuis octobre 2005 dans diverses entreprises suisses formant des apprentis dans différents métiers techniques (mécanique automobile, électricité, automatique). Ces données documentent des activités authentiques dans lesquelles s'engagent des apprentis et la manière dont ils interagissent, en contexte professionnel, avec des travailleurs expérimentés.
Une analyse détaillée de quelques séquences de ces activités nous permettra d'identifier différentes modalités d'accompagnement attestées, qui reposent sur des formes d'organisation variables de l'interaction et sur des agencements remarquablement divergents des ressources discursives à disposition dans ces environnements de travail et de formation.
Cette mise en évidence des formes interactionnelles de l'accompagnement en formation professionnelle initiale nous permettra plus généralement de souligner les apports des méthodes d'analyse linguistique pour la recherche en éducation. Elle nous permettra également, dans une perspective réciproque, de souligner les défis méthodologiques que posent aux sciences du langage, les spécificités des pratiques de formation : la question des empans temporels et des unités d'analyse ; la question des rapports entre compétences langagières et compétences professionnelles ; la question des liens entre multimodalité et multiactivité, etc.