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Formations
discursives, imaginaires sociodiscursifs, topoi et représentations du sujet du
discours : concepts utiles à la demande sociale ?
Dès les débuts de l'Analyse du
Discours les chercheurs de ce champ ne cessent de réflechir sur la
question du rapport entre les pratiques discursives et une certaine "conscience
sociale" qui serait à la base des discours. Ce rapport est devenu
determinant dans lŽanalyse. Cette "conscience sociale" se montre
dans l'oeuvre de Michel Pêcheux à travers le concept emprunté à Michel Foucault
de formations discursives, qui maintient un lien indissociable avec les
formations idéologiques. La formation discursive, on le sait, se définit comme
un ensemble de règles anonymes qui déterminent ce qui peut et doit être
dit - ou non - à partir dŽune certaine position. Elles semblent interpeler le
sujet, comme une voix interdiscursive, à assumer une place et une position dans
et par le discours. Chez Fairclough, le discours contribue à la construction des
identités sociales, des positions, des relations sociales et des systèmes
de croyances, ce qui lui attribue également une force qui sŽexerce du dehors sur
les individus. Charaudeau, pour sa part, prefère parler dŽimaginaires
sociodiscursifs pour faire référence à une certaine organisation de savoirs et
de valeurs partagés et, donc, d'objets d'identification et de positionnement de
la part des sujets. Bronckart renvoie la question à une definition et à
une classification des systèmes de pensée et de représentations sociales. Ducrot
et Anscombre, dans leur première version de la théorie de lŽargumentation dans
la langue, soutenaient que les argumentations - et le discours par extension -
avaient comme garants des topoi, des lieux communs permettant dŽétablir les
liens nécessaires aux enchaînements discursifs. La première version de lŽADL a
été dŽailleurs celle qui a le plus interessé aux analystes du discours, puisque
ces auteurs soutenaient que les topoi venaient de la societé (topoï
extrinsèques), en forme des représentations socioculturelles, stéréotypes,
préjugés etc. Bien que ces concepts se distinguent clairement, ils renvoient
tous à une problématique commune: celle qui confronte les individus
communiquants à une subjectivité qui nŽest pas la leur mais à laquelle ils se
conformeraient en la revendiquant par leur discours. Ils renvoient à la
pertinence, dans lŽanalyse, de la conformité sociale et discursive et, par
conséquence, à une problématique transdisciplinaire. LŽAD doit pouvoir apporter
des réponses plus précises à ce sujet car une meilleure maîtrise de ces concepts
peut favoriser, par exemple, la recherche tournée vers des objets tels que les
campagnes institutionnelles (prévention, conscientisation citoyenne etc.) ou les
demandes dŽenseignement (lecture, écriture, conflits scolaires
etc.). Ce qui est en jeu nŽest pas forcément le problème de lŽéfficacité
des discours (des campagnes de prévention ou des stratégies dŽenseignement),
mais les représentations que les sujets y font circuler en quête dŽidentité.
Nous voudrions tout dŽabord proposer une analyse des convergences possibles
entre ces formulations diverses pour ensuite montrer comment lŽanalyse de ces
"représentations sociodiscursives" peut sŽavérer utile à la compréhension des
certains enjeux sociaux, Nous proposerons, donc, une réflexion sur le rôle
que ces catégories représentationnelles peuvent jouer dans des recherches
appliquées. Ce parcours critique sera suivi dŽun exposé sur une demande sociale
spécifique: lŽanalyse des campagnes institutionnelles pour le vote "conscient et
libre", courantes au Brésil actuellement, menées par le Tribunal
Supérieur Electoral (TRE). Soulignons que les textes politiques, fort présents
dans le quotidien de Brésiliens, sont absents des livres didactiques,
comme sŽils devraient obéir à une certaine "laicité du politique". Cela parâit
justifier lŽabsence, à lŽécole, dŽune pédagogie du politique et la nécessité
dŽune certaine pédagogie extra-scolaire. Ainsi, les campagnes du TRE pour
le "vote citoyen" - se substituant à lŽécole - laissent entendre
quŽil y aurait du vote inconscient, non citoyen et victime dŽune mauvaise
éducation et dŽune parole politique mensongère et douteuse. Dans notre
exposé nous essayerons de montrer comment lŽanalyse des représentations dans le
discours pourraient éclairer ce phénomène qui met en position de
concurrence le champ éducatif et le champ politique.
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