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Historicité,
individu et société contemporaine : quel sens a la violence
?
Pour penser le besoin que
le sujet historique et symbolique ressent de pratiquer des liens sociaux, pour
comprendre la forme et la nécessité des mouvements sociaux urbains qui, mal
métaphorisés, aboutissent à la délinquance (et nous rattachons le mot
délinquance à " de-linquo " qui nous renvoie à affaiblir, dé-lier), nous
nous penchons depuis quelques temps sur le rapport entre l'individu et la
société. Nous instituons un cadre théorique (E. Orlandi, 2001) dans lequel
réfléchir sur l'interpellation de l'individu en sujet (forme historique du sujet
capitaliste, soutenu par le juridique) et son individualisation par l'État, dont
il ressort un sujet à la fois libre et responsable. Notre objectif premier est
donc de comprendre le sujet de la modernité et les mouvements sociaux face à la
nécessité de constituer des politiques publiques fondées sur l'organisation d'un
consensus imaginaire. Pour comprendre comment cet individu se situe dans la
formation sociale, dans l'espace urbain, non pas en tant que simple fonction
abstraite, mais en tant qu'espace de signification, nous analysons le sujet du
graffiti, du piercing, du tatouage, du rap et des enfants du trafic de drogue
(Falcões ). Le monde mondialisé et les technologies du langage (le monde
électronique et les médias) sont également pris en compte. Plus spécifiquement,
au vu de la conjoncture sociopolitique contemporaine, nous examinons la
mondialisation et son idéologie comme toile de fond de la criminalité /
délinquance, laquelle inclut non seulement la contravention et le trafic, mais
aussi le terrorisme et d'autres formes de " violence " sociale qui débouchent
sur la division manichéenne entre le Bien et le Mal (le Nord et le Sud, le riche
et le pauvre, etc.). Nous observons donc le sujet dans son processus
d'individualisation dans cette société qui est la nôtre et, dans son instabilité
et dans sa relation à ce qui n'a pas de sens, les manières dont il pratique des
formes de subjectivation, ainsi que la manière dont il cherche à s'identifier, à
se reconnaître dans des sens qui, quand ils lui manquent, le plongent dans la
violence. Dans notre réflexion sur le sujet de la modernité, nous
sommes sensibles à ce que dit Melman (2005) de la " nouvelle économie psychique
", de cette difficulté qu'ont les sujets, de nos jours, à disposer de balises
aussi bien pour éclairer leur prise de décisions que pour analyser les
situations qu'ils affrontent. Comme le dit Lebrun, dans un monde caractérisé par
la violence, par une nouvelle attitude face à la mort, les impositions de
l'économique, l'émergence de symptômes inédits, la tyrannie du consensus, le
poids du médiatique, l'aliénation dans le virtuel, etc., sont impressionnants.
J'y ajouterais la corruption et l'impunité, d'un côté, et, de l'autre, la
facilité avec laquelle la société est divisée entre ceux qui doivent vivre et
ceux qui ne doivent pas vivre et peuvent être décimés. Or, je ne pense pas que
cela se passe de la même manière dans les pays du Nord et du Sud. C'est
justement cette différence, à laquelle je suis attentive, qui me conduit à
situer ma réflexion par rapport à ce qui se passe au Brésil sous les effets de
l'idéologie de la mondialisation. Et l'un de mes objectifs est de "
démondialiser " la science et le scientifique. Tout en réfléchissant
sur la manière dont nous sommes signifiés par la mondialisation et en
prêtant une attention particulière à ce qu'est un préjugé, quand il est
pensé discursivement, je me tourne vers les caractéristiques de la société
actuelle, marquée par l'individualisme, et la question de l'" autre ", qui
s´impose immédiatement, comme présence incontournable. Le problème qui se pose
est justement de savoir comment traiter cet autre. Selon Enriquez (2004), la
question est de savoir si je dois le respecter ou l'éliminer. Pour montrer
comment ce rapport prend place, j'analyse le discours du " Falcão ", cet enfant
du trafic, en centrant mon analyse sur l'un de ses énoncés (" Du bon côté, dans
la mauvaise vie ") pour chercher à comprendre ce que la société place dans l'"
incompréhensible " à partir de notions comme équivoque, non-sens, ce qui n'a pas
de sens, résistance, pour finalement re-définir ce que l'on appelle la "
délinquance " telle qu´elle se présente dans cet état du monde actuel . Dans
cette réflexion, notre question fondamentale a été de trouver les manières dont
les liens sociaux s'établissent, ne serait-ce que minimement, liens qui font que
les sujets s'individualisent comme partie de la société. Notre analyse fait
clairement ressortir que ces sujets ségrégués, voués à l'extinction dans
l'affrontement du symbolique avec le politique et hantés par le non-sens, en
raison du jeu des formations discursives du capitalisme, vivent pleinement ce
qui n'a pas de sens , ballotés d'un côté à l'autre dans leur insignifiance, sans
lieu dans la société ni dans l'histoire. Nous pensons que la société
et ses sujets sont en mouvement dans l'histoire, mouvement qui, barré, non
signifié politiquement, explose en des sens qui sont à la base de la production
de la délinquance, de la marginalité, du terrorisme, de l'illégalité etc.. C'est
sur cette situation qu'il nous faut réfléchir pour que l'" incompréhensible " de
ce à quoi nous assistons depuis quelques temps puisse avoir un sens, dans un
autre discours (monde) possible. Comment être présent dans l'espace
social, et de quel espace s'agit-il ? Comment est-il signifié ? Comment les
sujets sont-ils signifiés et se signifient-ils politiquement ? Comment
l'habitent-ils ? Comment se déplacent-ils ? Voilà les questions que nous
cherchons à prendre en compte dans notre réflexion. Notre proposition est qu'il
faut accepter le mouvement et les déplacements dans l'espace urbain, dans le
social, et constituer des situations ouvertes pour que d'autres sens fassent
irruption, d'autres pratiques s'installent, d'autres modes d'individualisation
du sujet par l´Etat se développent, offrant un espace pour que le sujet
puisse passer du non-sens au sens possible, " de manière à ce que l'irréalisé
advienne et forme du sens de l'intérieur du non-sens. " (M. Pêcheux,
1975)
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