A qui profite l'AD ? Petit parcours - entre interventionnisme, implication du chercheur et outillage critique.

Alors que l'AD des années 1970-80, en France, (s'intéressant principalement - mais certes pas exclusivement - aux discours politiques) s'arc-boutait sur des fondements idéologiques et avait une forte dimension critique, un nombre important d'études de ces deux dernières décennies (s'intéressant pour beaucoup à des paroles situées, dans des domaines divers) sont réalisées en réaction à des " attentes sociales ", sont rédigées suite à des appels d'offre, répondent à des commandes particulières, et même si elles gardent une forte dimension académique, sont désireuses de faire sens socialement ou de peser dans des débats en dehors du monde académique.
Les recherches que j'ai menées, ces quinze dernières années, n'y font pas exception. Qu'il s'agisse d' " interventions " souhaitées ou d'interventions de fait, de réponses à des commandes ou de réaction à une diffuse " demande sociale ", les dimensions " humaine " et " sociale " des diverses études que j'ai pu mener en analyse du discours et sociolinguistique ne peuvent être écartées. Bien que le matériau principal des études soit linguistique ou discursif, les conditions de recueil de données mettent toujours en jeu de l'humain (des acteurs par ailleurs locuteurs) et la portée des analyses est extra-linguistique (discursive, humaine, sociale).
Est-ce à dire que l'AD (et la sociolinguistique) sont, peuvent ou doivent être des disciplines d'intervention (sociale) ?
Je reviendrai rapidement sur mes propres doutes et enthousiasmes, au long de ces années - de la découverte enthousiaste de l'intervention sociale permise par la linguistique de terrain et l'analyse de discours produits en contexte (Léglise, 1997, Léglise, 1998) à la critique d'une instrumentalisation de l'AD (Léglise et Canut, 2008) - d'une pratique impliquée sur le terrain (Léglise, 2004, Léglise et Migge 2007) à des questionnements méthodologiques sur l'intervention (Léglise, 2000) ou l'implication du chercheur (Léglise et al., 2006).
Ce parcours me permettra d'illustrer des distinctions de points de vue, de méthodes et de rapports aux données, et de questionner dimension interventionnelle et dimension critique de l'AD.
 
Léglise, I. (1997). Intervention linguistique : théorie, pratique et intérêt dans le cadre de l'analyse de l'activité. Linx, 37, 169-182.
Léglise, I. (1998). Le rôle de on et d'autres traces de l'interlocution pour l'analyse de la coopération dans le travail NWAVE 26 selected papers, pp. 261-271. Québec: Editions Nota Bene.
Léglise, I. (2000). Quand les linguistes interviennent : écueils et enjeux. Revue Française de Linguistique Appliquée, 2000-IV, 5-13.
Léglise, I. (2004). Diversité des formes d'oral et rapport au langage chez les travailleurs sociaux : l'exemple des médiateurs urbains In I. Léglise (ed.), Pratiques, langues et discours dans le travail social, pp. 29-52. Paris: L'Harmattan.
Léglise, I., Canut, E., Desmet, I. & Garric, N. (eds.) (2006). Applications et implications en sciences du langage. Paris: L'Harmattan.
Léglise, I. & Canut, E. (2008). Applications / implications : des réflexions et des pratiques différentes en fonction des sous-disciplines ? In I. Pierozak & J.-M. Eloy (eds.), Intervenir : appliquer, s'impliquer ? Paris : L'Harmattan.
Léglise, I. & Migge, B. (2007). Pratiques et représentations linguistiques en Guyane : introduction. In I. Léglise & B. Migge (eds.), Pratiques et représentations linguistiques en Guyane : regards croisés, pp. 11-25. Paris: IRD Editions.