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Analyse du discours et demande sociale : les dessous du discours
des médias
Le rapport étroit entre
analyse du discours (AD) et société, représentée par les instances productrices
de discours (école, médias, institutions politiques, religieuses, etc.), est un
des objets privilégiés des recherches actuelles dans cette discipline. Par
différentes approches théoriques et méthodologiques, les analystes du discours
donnent à voir le discours comme une pratique qui se matérialise dans/par le
langage tout en gardant les "marques" de son contexte socio-historique de
production. L'objet de l'AD relève ainsi, à la fois et intégralement, de la
langue et de l'histoire. Certes, il est encore rare au Brésil que des
institutions convoquent les chercheurs pour prendre conseil ou fournir un
diagnostique, ce qui ne nous empêche pas de défendre ici le rôle de l'analyste
dans l'interprétation des discours sociaux. Une telle démarche permet de repérer
les formations discursives qui les traversent, les formations idéologiques dans
lesquelles ils s'inscrivent, les images qu'ils construisent. Il s'agit en
réalité de déceler le rapport intrinsèque qu'entretiennent
l'intra/interdiscours. Dans cette perspective, notre communication se propose
de tisser des réflexions autour des discours sur la langue produits par
l'instance médiatique, sous le versant du système idéologique constitué conçu
par le Cercle de Bakhtine. A partir de l'analyse d'articles d'opinion et de
reportages de deux publications brésiliennes à grand tirage, O Estado de São
Paulo et Veja, nous essaierons de montrer l'influence qu'exerce l'institution
scolaire, en tant qu'instance de diffusion du "bon usage", sur la construction
d'une image stéréotypée de la langue, que le discours médiatique tâche d'assumer
et de reproduire. À la suite de D. Maingueneau, ceci nous amène à considérer
deux prémisses. La première prend l'interdiscours - et non pas les discours
pris isolément - pour unité pertinente de l'analyse. Du coup, il s'agit
d'investiguer "l'espace d'échange", c'est-à-dire, l'interaction qui s'installe
entre le discours de l'école et celui des médias dans la construction d'une
certaine image de la langue. La deuxième prémisse pose que le rapport
interdiscursif fait apparaître l'interaction sémantique entre les discours comme
un processus de traduction ou d'interincompréhension réglée. Chaque discours
interprète ainsi les énoncés de son Autre - ou du simulacre qu'il en crée - à
travers sa propre "grille sémantique". Nous avons constaté effectivement que le
discours de l'école (entièrement pris en charge par les médias) s'adresse à un
autre discours - celui de la linguistique - et l'interprète dans les catégories
du registre négatif de son propre système. En disqualifiant cet Autre, il
obtient du même coup une auto-légitimation. Sa configuration de sens devient
alors reconnaissable à un certain nombre de sujets - les énonciataires-lecteurs
- comme le Tout de la vérité. En plus, cette reconnaissance circonscrit une
"communauté de croyance": ceux qui partagent le discours de l'école, avec ses
principes, (pré)conçus et valeurs. Notre hypothèse est donc que, étant ou
non formellement engagé dans les demandes de la société, l'analyste du discours
peut et doit évaluer les discours circulants, notamment ceux des institutions,
en actualisant ainsi les principes et méthodes mis à sa disposition par l'AD
dans toute sa vocation de science interdisciplinaire.
Références
bibliographiques
BAKHTINE, Mikhail
(VOLOCHINOV). Le marxisme et la philosophie du langage. Paris: Minuit, 1977.
(Edition brésilienne: 1990). MAINGUENEAU, Dominique. Genèses du discours.
Bruxelles: Pierre Mardaga, 1984. (Edition brésilienne: 2005). MALDIDIER,
Denise. L'inquiétude du discours. Textes de Michel Pêcheux. Paris: Cendres,
1990.
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