Denis BARBET
Université de Lyon, Sciences Po Lyon, Triangle
denis.barbet@sciencespo-lyon.fr
 
La construction de l'événement Grenelle en discours   
   
La communication s'attachera à montrer comment les usages du mot Grenelle par différents locuteurs - en particulier les responsables politiques, les représentants de groupes d'intérêts et les journalistes - ont contribué à co-construire et à interpréter les événements ainsi dénommés. Nom-événement après la " conférence " sociale de 1968, Grenelle a servi depuis, sous un forme de plus en plus couramment antonomasique, à désigner une multitude de référents cibles, dont le Grenelle de l'environnement de 2007 ne constitue qu'un exemplaire, certes dominant dans le corpus. L'objectif de notre étude vise à saisir la triple et concomitante entrée du mot dans la langue, de l'événement dans la mémoire collective et de l'objet ainsi construit dans la culture politique.
La forte performativité des déclarations des acteurs sur le Grenelle de l'environnement, l'intense investissement médiatique de la formule, mais aussi l'apparition de déonomastiques comme pré-Grenelle ou l'après-Grenelle, permettent notamment de montrer l'impact des discours sur la construction de l'événement.
Sur le plus long terme, le mot a pris, par réitération et sédimentation, le sens d'une grande négociation multipartite destinée à régler un litige ou une situation critique, pour en sortir par le haut, avec la réunion autour d'une table des parties impliquées. Nous insisterons sur cette évolution sémantique, qui s'est opérée au prix d'une relecture des événements passés et a supposé un relatif accord de locuteurs aux intérêts politiques, économiques et sociaux pourtant divergents. Toutefois, malgré l'éloignement temporel du référent primaire, les " fils verticaux de la mémoire " continuent à lier présent et passé, et des résistances apparaissent à l'emploi du vocable, ajoutées à des phénomènes de saturation lexicale.
Grenelle étant une figure vive et son sort dépendant en partie de la conjoncture politique, nous nous attacherons enfin à l'analyse des tendances récentes : sur le plan morphosyntaxique, pour vérifier si l'antonomase a encore progressé depuis 2009 sur la voie de la lexicalisation ; sur le plan sémantique : dans la dernière période, en particulier à l'occasion du dernier remaniement ministériel, le mot a été réduit à une dimension procédurale, comme une " méthode " de gouvernance.
 
Mots clés : antonomase, co-construction des événements, discours, Grenelle, lexicalisation
 
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