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La construction de l'événement Grenelle en
discours
La communication s'attachera à montrer
comment les usages du mot Grenelle par différents locuteurs - en particulier les
responsables politiques, les représentants de groupes d'intérêts et les
journalistes - ont contribué à co-construire et à interpréter les événements
ainsi dénommés. Nom-événement après la " conférence " sociale de 1968, Grenelle
a servi depuis, sous un forme de plus en plus couramment antonomasique, à
désigner une multitude de référents cibles, dont le Grenelle de l'environnement
de 2007 ne constitue qu'un exemplaire, certes dominant dans le corpus.
L'objectif de notre étude vise à saisir la triple et concomitante entrée du mot
dans la langue, de l'événement dans la mémoire collective et de l'objet ainsi
construit dans la culture politique. La forte performativité des
déclarations des acteurs sur le Grenelle de l'environnement, l'intense
investissement médiatique de la formule, mais aussi l'apparition de
déonomastiques comme pré-Grenelle ou l'après-Grenelle, permettent notamment de
montrer l'impact des discours sur la construction de l'événement. Sur le
plus long terme, le mot a pris, par réitération et sédimentation, le sens d'une
grande négociation multipartite destinée à régler un litige ou une situation
critique, pour en sortir par le haut, avec la réunion autour d'une table des
parties impliquées. Nous insisterons sur cette évolution sémantique, qui s'est
opérée au prix d'une relecture des événements passés et a supposé un relatif
accord de locuteurs aux intérêts politiques, économiques et sociaux pourtant
divergents. Toutefois, malgré l'éloignement temporel du référent primaire, les "
fils verticaux de la mémoire " continuent à lier présent et passé, et des
résistances apparaissent à l'emploi du vocable, ajoutées à des phénomènes de
saturation lexicale. Grenelle étant une figure vive et son sort dépendant en
partie de la conjoncture politique, nous nous attacherons enfin à l'analyse des
tendances récentes : sur le plan morphosyntaxique, pour vérifier si l'antonomase
a encore progressé depuis 2009 sur la voie de la lexicalisation ; sur le plan
sémantique : dans la dernière période, en particulier à l'occasion du dernier
remaniement ministériel, le mot a été réduit à une dimension procédurale, comme
une " méthode " de gouvernance.
Mots clés : antonomase, co-construction des
événements, discours, Grenelle, lexicalisation
BARBET Denis, 2009, Grenelle. Histoire politique d'un mot,
Presses Universitaires de Rennes, Collection Res Publica. KRIEG-PLANQUE
Alice, 2009, " À propos des "noms propres d'événement". Événementialité et
discursivité " in Lecolle, M., Paveau, M.-A., Reboul-Touré, S. éds., 2009, Les
Carnets du Cediscor 11 : Le nom propre en discours. Paris, Presses Sorbonne
Nouvelle. MOIRAND Sophie, 2007, " Discours, mémoires et contextes : à propos
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