Georgeta CISLARU
Université Sorbonne nouvelle, Syled-Cediscor
gcislaru@univ-paris3.fr
 
Pratiques langagières de l'" événementialisation "
 
Cette étude s'attachera aux pratiques de nomination des événements dans le discours médiatique, tout en articulant la nomination à d'autres phénomènes langagiers à travers une démarche analytique (analyse de discours) et une analyse sémantique.
La diversité des types et origines des noms d'événements n'est plus à démontrer : depuis deux décennies, les travaux de Moirand (2007, pour une synthèse), Calabrese, Lecolle, etc. ont étudié de près les stratégies dénominatives et le matériau linguistique utilisé à cet effet. On soulignera cependant la dynamique discursive du processus de nomination, tel qu'on peut l'observer dans le discours des médias, que ce soit autour des crises sanitaires ou alimentaires, des conflits, des catastrophes naturelles ou, plus pacifiquement, d'événements mondains comme les festivals. La première partie de la communication sera consacrée à l'analyse de cette dynamique afin de dégager les mécanismes linguistico-discursifs à l'œuvre. On verra que la nomination des événements en discours s'apparente à un processus de nominalisation (qui présuppose donc des opérations de figement et de synthèse, cf. : des jeunes ont sifflé la Marseillaise -> les sifflets [du Stade]). Dans beaucoup de cas, la construction discursive des événements et de leurs dénominations implique la présence de ce qu'on pourrait appeler une " sémantique émotionnelle " : ainsi, les configurations discursives des événements contiennent des colorations émotionnelles qui finissent par intégrer le sémantisme des noms d'événements eux-mêmes, plus particulièrement en ce qui concerne les émotions négatives, en justifiant des emplois du type un nouveau Vietnam, l'autre Tchernobyl, notre 11 septembre à nous, etc.
La deuxième partie de la communication s'attachera à développer une étude de cas autour de l'événementialisation de la grippe porcine. Événement d'envergure mondiale, la grippe porcine se prête à une approche contrastive. Nous nous intéresserons à son traitement discursif dans la presse française et dans la presse roumaine. Courant mai 2009, où l'événement semble atteindre son apogée et les échelles d'alerte s'emballent, les deux discours n'adoptent pas la même mise en scène de l'événement d'un point de vue émotionnel : cristallisation d'un discours de la peur dans la presse française, négation ou mise à distance de la peur dans la presse roumaine ne préfigurent pas de configurations et évaluations similaires de l'événement. Qu'en est-il de la nomination de l'événement dans les deux cadres et de sa capacité à intégrer dans son sémantisme des traits émotionnels apparentés à la peur ?
 
Mots-clés : discours, émotion, événementialisation, intersubjectivité, nomination
 
Calabrese, L. (2010) : Le rôle des désignants d'événements historico-médiatiques dans la construction de l'histoire immédiate. Une analyse du discours de la presse écrite. Thèse, Université Libre de Bruxelles.
Davidson, D. (2001) : Essays on Actions and Events, Oxford, Clarendon Press.
Lecolle, M. (2009) : " Éléments pour la caractérisation des toponymes en emploi événementiel ", dans Ivan Evrard et al. (éds), Les sens en marge. Représentations linguistiques et observables discursifs ; actes du colloque international de Bruxelles, 3-5 nov. 2005, Paris, L'Harmattan, p. 29-43.
Moirand, S. (2007) : Les discours de la presse quotidienne. Observer, analyser, comprendre. Paris, PUF.
Van de Velde, D. (2006) : Grammaire des événements. Lille, Presses universitaires du Septentrion