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Événement, langage, linguistique : le problème de la
construction du sens dans le discours sur l'événement
L'événement entendu dans son sens
courant peut être défini comme un fait parmi les autres qui est particulièrement
saillant, chargé d'un sens particulier pour le(s) sujet(s) qui en font
l'expérience. Les définitions de la notion en histoire et en philosophie
confèrent toutes à l'événement, en plus d'un effet de saillance, d'entretenir un
lien nécessaire au langage : il se dit, se raconte, se débat, se transmet par le
langage. Les liens entre événement et langage dans le discours invitent à
envisager le problème des relations entre herméneutique et linguistique : qu'en
est-il des mécanismes de construction et de compréhension du sens dans le cadre
de discours dont l'enjeu est précisément de comprendre de ce qui s'est produit
pour en dégager un sens ? En suivant Bühler (2009) et ses trois fonctions du
langage - exprimer, représenter, appeler - nous envisagerons la dynamique
langagière de l'événement pris dans la langue en tant qu'il en montre (et
mobilise) la puissance d'évocation, de convocation et d'invocation. Notre
communication vise à présenter ces hypothèses et les premiers éléments d'analyse
d'un corpus ciblé pour les soumettre à la discussion. Ces mécanismes
d'émergence et de construction du sens au centre de la grammaire
instructionnelle (Col 2008, 2010), héritière des grammaires cognitives et de la
théorie culiolienne de l'énonciation qui permet d'envisager les différents
aspects de l'événement dans le langage - perception, conceptualisation,
expression - au sein d'un projet d'analyse et de modélisation centrée sur la
construction dynamique du sens. Cette réflexion méthodologique s'appuie sur
l'examen d'un corpus exemplaire : le direct de CNN du 11 septembre 2001. Ce
discours se déroule quasi simultanément avec les événements qu'il s'agit
explicitement de comprendre, en rassemblant plusieurs locuteurs dans un projet
herméneutique commun. L'exploration de ce corpus à la lumière des hypothèses
théoriques formulées précédemment visera à envisager les aménagements
linguistiques nécessaires pour dire l'inconnu, l'exceptionnel, voire
l'indicible. En fin de compte, il nous intéresse de réfléchir aux notions de
sous-spécifications des instructions linguistiques portées par les unités dans
un contexte où l'incompréhension se heurte au grand besoin de précision. Ces
premières analyses se porteront ainsi sur la reconstruction d'une formule figée
(frequent flyer), les mécanismes d'euphémisation générale du discours ("I don't
think that this represents an accident") ou encore le trajet et la circulation
de certaines lexies au fil du corpus (progression quantitative de fly,
nominalisation progressive de crash). In fine, c'est le jeu de la contrainte et
de la créativité du langage face à l'événement qu'il nous intéresse de
considérer.
Mots clés : construction dynamique du sens,
contrainte discours,, événement, nominalisation
APTEKMAN, Jeanne et COL, Gilles, " Construction du sens par
instructions dynamiques ", Actes des Rencontres interdisciplinaires sur les
systèmes complexes naturels et artificiels, janvier 2010, en ligne à
s4.csregistry.org/tiki-download_file.php?fileId=147 BÜHLER, Karl, Théorie du
langage, Agone, Paris, 2009. COL, Gilles, " Théories cognitives et
l'hypothèse de l'émergence du sens ", version remaniée, Tropismes,
2005. CORRE, Eric, De l'aspect sémantique à la structure de l'événement - Les
verbes anglais et russes, Presses Sorbonne Nouvelle, 2009. DOSSE, François,
Renaissance de l'événement. Un défi pour l'historien : entre sphinx et phénix,
PUF, 2010.
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