|
Françoise FAVART
Università degli Studi di
Trento et université Paris Ouest Nanterre La Défense, Laboratoire
Modyco francoise.favart@unitn.it
" Casse-toi pauvre c… ! " … ou l'événement
linguistique
Du " Casse-toi pauvre con ! ", " Si y en a que ça les démange
d'augmenter les impôts… " au " nettoyage au kärcher " de N. Sarkozy, à la "
bravitude " de S. Royal en passant par le récent lapsus de R. Dati (fellation
pour inflation), autant d'expressions ou de mots qui sont restés inscrits dans
la mémoire de la majorité des Français. Nous nous demanderons ainsi en quoi ces
faits de langue constituent des événements linguistiques. Tout d'abord, nous
tenterons de définir le concept d'événement en relation avec une prise de parole
publique et plus précisément avec un discours politique. Nous observerons
ensuite - en nous appuyant sur des documents (audio et écrits) provenant de
différents médias français -que les faits de langue qui produisent des
événements linguistiques correspondent à des phénomènes langagiers de natures
diverses. Nous tenterons alors de comprendre quels sont les paramètres
linguistiques et situationnels nécessaires à la réalisation de l'événement
linguistique. Pour ce faire, nous interpellerons, dans un premier temps la
notion de registres de langue : dans de nombreux cas, on reconnaît dans l'écart
de registre une caractéristique de l'événement linguistique. Toutefois, cette
forme de hiérachisation des faits de langue, à la fois utile et discutable, ne
suffit pas à elle seule à en expliquer l'origine. On voit bien en effet que le
recours à l'expression " casse-toi ", fortement marquée sur le plan social
renvoie à un registre pouvant être qualifié de populaire. Une considération
semblable s'applique à " Si y en a que ça les démange… ", même si le phénomène
est de nature différente, puisqu'il porte sur la syntaxe et non plus sur le
lexique comme dans le premier exemple. Le registre, en revanche, ne permet pas à
lui seul, de comprendre en quoi " bravitude " constitue un événement
linguistique. Nous approfondirons alors notre réflexion en faisant appel à la
notion rhétorique d'ethos pour constater que, dans les exemples analysés,
l'événement linguistique repose principalement sur un décalage entre l'identité
du sujet (président de la République ou personnalité du monde politique) et le
sujet parlant1 Nous tenterons alors de montrer que l'événement linguistique est
le résultat d'une rupture entre l'ethos attendu (l'image à laquelle est supposé
renvoyer un président de la République, par exemple) et l'ethos réalisé lors de
la prise d'une parole (ou ethos discursif).
[1. Nous empruntons la terminologie à P. Charaudeau
2010]
Mots clés : discours, ethos, événement
linguistique, politique, registres linguistiques, représentation
Amossy, Ruth (2010), La présentation de soi : ethos et identité
verbale, Paris, Puf. Badiou, Alain (1988 ), L'être et l'événement, Paris, Les
éditions du Seuil. Charaudeau, Patrick (2005), Le discours politique. Les
masques du pouvoir, Paris, Vuibert. Charaudeau Patrick dir.(2010), Identités
sociales et discursives du sujet parlant, Paris, L'Harmattan. Dufiet,
Jean-Paul (2010), La parole politique dans les nouveaux médias, in M. Burger et
alii, La parole politique en confrontation dans les médias, Bruxelles, De Boeck
Université.
| |