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Le potentiel événementiel de
l'information-people
L'information-people (Dubied, 2008 et 2009) peut-elle accéder
au statut d'événement par ses seules propriétés ? Dans une perspective
sémiotique, nous opérons une analyse comparative entre presse people et presse
quotidienne nationale à propos de deux événements politiques et people -
l'accouchement de Rachida Dati en janvier 2009 et les rumeurs d'infidélités de
Nicolas Sarkozy et Carla Bruni en mars-avril 2010 - pour distinguer les règles
de construction et d'organisation du discours et les différentes attributions
d'une valeur événementielle aux actions narrativisées. La presse quotidienne
nationale tend à projeter ces faits privés vers le monde civique (Boltanski et
Thévenot, 1991) en mobilisant une mémoire sociale et politique et en opérant une
di-vision de l'intelligibilité de l'événement, une di-vision entre au moins deux
réponses possibles, entre au moins deux positions possibles, quant à ce qui se
passe. Ces déplacements des actions narrativisées vers des lieux politiques et
sociaux permettent alors à l'évènement d'émerger. À l'inverse, si l'événement se
construit sur une " aporie du savoir " (Tétu, 2008), occasionnant " des
décalages d'interprétation " (Garcin-Marrou, 1996), on constate que les logiques
du récit people enferment les informations dans le confinement des mondes de
l'opinion et domestique. Lors de la maternité de Rachida Dati, la presse people
s'attarde sur la cérémonie de la mise au monde, sur le bonheur qu'il peut
susciter pour la mère ou sur l'identité du père. Lors des rumeurs d'infidélités,
la presse people se saisit de l'évènement dans le confinement du bonheur ou des
tensions dans le couple ou autour de l'amitié ou de l'inimitié de Rachida Dati
et de Carla Bruni. Les hebdomadaires peoples ignorent, ainsi, les scandales
(Lemieux, 2007) autour des événements et les replient vers des objets du monde
domestique ou de l'opinion. Davantage encore, l'énonciation de la presse people
est prise dans un parcours polémique construit à la fois sur une mise au secret
des actions narrativisées et sur le caractère révélatoire du contrat de lecture.
Les logiques du récit people créent, ainsi, une brèche dans l'intelligibilité de
ce qui se passe pour, aussitôt, la résoudre et dire ce qu'il en est de ce qu'il
est, empêchant le " non-savoir radical " (Tétu, 2008) de l'événement. Une
telle perspective comparative dévoile, ainsi, que l'information-people est
contrainte dans l'espace du commérage (Lemieux, 2007 ; Kapferer, 1990) dans
lequel l'information et sa mise en récit ne peuvent jamais faire
évènement.
Mots clés : commérage, événement,
information-people, scandale, récit
BOLTANSKI, L. & CLAVERIE, E., Affaires, scandale et
grandes causes. De Socrate à Pinochet, Paris : Ed. Stock, 2007. DUBIED, A., "
L'information-people. Entre rhétorique du cas particulier et récits de
l'intimité ", Communication, 27, 1, 2009. DUBIED, A., " Quand le fait divers
rencontre la politique-people ", Temps et Médias, 10, printemps
2008. KAPFERER J-N., Rumeurs. Le plus vieux média du monde, [1ère éd. 1987]
Paris : Le Seuil, 1990. TETU, J-F., " De l'événement aux affaires ", Médias
et culture, Hors-série n°2, 2008.
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