Eduardo GUIMARÃES
Unversité de Campinas, Brésil
Eduardo.gui@uol.com.br
 
Désignation et événement : sur les sens d' " histoire " dans la linguistique brésilienne
 
À partir d'une distinction entre " désignation " et " référence ", nous considérons que les sens des mots se constituent comme des relations de signification (plus spécifiquement, des relations de détermination) produites par l'énonciation (Benveniste, 1966 et Ducrot, 1984), considérée comme l'événement du fonctionnement de la langue.
Nous analyserons les sens du mot " histoire " dans les textes de quatre linguistes brésiliens (Mattoso Câmara et Henrique Maurer, clairement influencés par le structuralisme ; et Serafim da Silva Neto et Silveira Bueno, qui ne sont pas directement affectés par ce dernier) dont la production s'étend des années 1940 aux années 1960, période marquée par le structuralisme.
En prenant comme instrument de description ce que nous appelons un Domaine Sémantique de Détermination (D.S.D.) (Guimarães, 2002), nous chercherons à montrer comment la désignation " histoire " se distingue très nettement dans la position de ces savants, même s'ils ne définissent pas ce terme. Pour décrire les relations constituant les D.S.D. et, donc, la désignation du mot, nous considérerons que les désignations (qui découpent et identifient le réel par les sens produits énonciativement) se caractérisent par le mode d'intégration des mots dans les énoncés, en tant qu'énoncés de textes spécifiques. Ces analyses nous conduiront à des différences significatives. D'un côté, nous retrouverons deux linguistes (qui se distinguent également entre eux) : Maurer et Mattoso. Pour le premier, le sens d'" histoire " est fondamentalement déterminé par le sens de " temps " et d'" origine " ; pour le second, " histoire " est également déterminé par " origine " et " temps ", mais " temps " est directement déterminé par le sens de " chronologique ". Parallèlement, le sens de " changement " et d'" évolution ", mot compris comme " enchaînement " dans le temps (et non pas comme perfectionnement), détermine " histoire ". En outre, le sens d'" espace " et de " culture " entre également dans la détermination d'" histoire ". De l'autre côté, nous avons Bueno et Serafim. Pour eux, le sens d'" histoire " est déterminé par celui d'" évolution " et de " civilisation " (au sens d'une valeur opposée au primitif). Ils se distinguent néanmoins entre eux puisque, pour le premier, " histoire " est encore déterminé par " espace " et " temps " (compris comme chronologie), alors que pour le second, le " temps " n'apparaît pas au sens chronologique et le sens de " contact " entre dans la détermination d'" histoire ", de telle sorte que le sens présent n'est pas origine, mais but, au travers du sens de civilisation.
Nous pouvons ainsi observer qu'une analyse sémantico-énonciative de termes propres à la science peut apporter une contribution très particulière à un nouveau mode de considérer l'histoire des concepts, par une position où la terminologie apparaît non pas comme l'expression d'une idée, mais comme une construction énonciative du fonctionnement du langage dans les textes constituant l'œuvre d'un auteur.
 
Mots clés : énonciation, événement, détermination, domaine sémantique de détermination, histoire
 
Benveniste, E.  (1966), Problèmes de Linguistique Générale, I. Paris, Gallimard.
Ducrot, O. (1984), Le Dire et le Dit. Paris, Minuit.
Guimarães, E. (2002), Semântica do Acontecimento. Campinas, Pontes