Mariagrazia MARGARITO
Università degli Studi di Torino
mariagrazia.margarito@unito.it
 
Marcher, courir : enchantement et non-événement
 
Dans un colloque où l'événement tient le devant de la scène, il peut sembler de mauvais aloi se pencher sur une notion antonymique telle que le " non-événement "… Pourtant ce dernier en serait dans bien des cas la toile de fond.
Ŕ partir d'un corpus de travail hétérogène, à focalisation thématique, la marche, la course à pied sous les différentes formes par lesquelles elles se déclinent : marche, randonnée, longs parcours (jusqu'au Camino de Compostelle), jogging, marathon,  nous retravaillons la notion d'enchantement utilisée par Yves Winkin (2001).  Elle est privilégiée en un premier temps  comme outil opératoire lors de notre analyse des données discursives par lesquelles les mouvements répétés, l'effort, la routine de l'entraînement ou le choix de la marche, de la course comme fuite sont énoncés.
Notre corpus comprend des travaux d'anthropologues  et de sociologues (F. Michel, D. Le Breton), d'auteurs de littérature contemporaine (J. Echenoz, H. Murakami), de philosophes (F. Gros) et quelques articles de presse, même engagée (Le Monde Diplomatique). Nous ne prenons pas en compte le côté sportif en tant que performance et que compétition, mais les temps longs des entraînements,  dont on parle si peu,  des temps qu'on oublie et qui jamais ne sont un événement, ou qui représentent un continuum de micro-événements (le pas, le pas de course, le souffle, le regard sur ce qui entoure le coureur, le marcheur…).
Voilà donc les deux pivots de la recherche : la notion d'enchantement et le non-événement. Le corps qui marche, qui court les remplit. Comment se dit cette complétude ?
Dans notre investigation nous allons privilégier les entrées lexicales et leurs environnements contextuels en portant notre regard sur la marche et la course comme " cadres d'expérience " (Goffmann, 1991), qui peuvent être collectifs ou personnels. Nous comptons voir comment se construisent les discours de ces expériences, nous allons voir notamment si la construction de l'enchantement de Winkin est valable même s'il y a effacement d'un " événement majeur ".
Les ouvrages divers de notre corpus révèlent par le lexique des éléments communs à ces cadres d'expérience  tels que l'appropriation du paysage (et de la solidarité humaine, suite à la filiation des générations par la géographie des chemins), de la liberté, du temps, du silence. L'enchantement en tant que construction de l'objet par des données discursives est surtout l'explicitation de l'"en dedans" non physique du corps en mouvement, à savoir la pensée, la (re)connaissance de soi, la spiritualité (cf. les chemins de Compostelle).
 
Mots clés : construction de discours, lexique, non-événement, notion d'enchantement
 
Adam, J.-M., 2005. La linguistique textuelle. Introduction à l'analyse textuelle des discours. Paris : Armand Colin.
Charaudeau, P.,  Montes, R. (dir.), 2004. La voix cachée du tiers. Des non-dits du discours. Paris : L'Harmattan.
Cusin-Berche, F., 2003. Les mots et leurs contextes. Paris : Presses Sorbonne Nouvelle
Winkin , Y., 2001. Anthropologie de la communication. De la théorie au terrain. Paris, De Boeck & Larcier, Seuil.
Winkin, Y., 2002.  " De la pertinence de la notion d'enchantement ", in Simonin, J. (dir.), Communautés périphériques et espaces publics émergents. Paris, L'Harmattan