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Marcher, courir : enchantement et
non-événement
Dans un colloque où l'événement tient le devant de la scène,
il peut sembler de mauvais aloi se pencher sur une notion antonymique telle que
le " non-événement "… Pourtant ce dernier en serait dans bien des cas la toile
de fond. Ŕ partir d'un corpus de travail hétérogène, à focalisation
thématique, la marche, la course à pied sous les différentes formes par
lesquelles elles se déclinent : marche, randonnée, longs parcours (jusqu'au
Camino de Compostelle), jogging, marathon, nous retravaillons la notion
d'enchantement utilisée par Yves Winkin (2001). Elle est privilégiée en un
premier temps comme outil opératoire lors de notre analyse des données
discursives par lesquelles les mouvements répétés, l'effort, la routine de
l'entraînement ou le choix de la marche, de la course comme fuite sont énoncés.
Notre corpus comprend des travaux d'anthropologues et de sociologues
(F. Michel, D. Le Breton), d'auteurs de littérature contemporaine (J. Echenoz,
H. Murakami), de philosophes (F. Gros) et quelques articles de presse, même
engagée (Le Monde Diplomatique). Nous ne prenons pas en compte le côté sportif
en tant que performance et que compétition, mais les temps longs des
entraînements, dont on parle si peu, des temps qu'on oublie et qui
jamais ne sont un événement, ou qui représentent un continuum de
micro-événements (le pas, le pas de course, le souffle, le regard sur ce qui
entoure le coureur, le marcheur…). Voilà donc les deux pivots de la
recherche : la notion d'enchantement et le non-événement. Le corps qui marche,
qui court les remplit. Comment se dit cette complétude ? Dans notre
investigation nous allons privilégier les entrées lexicales et leurs
environnements contextuels en portant notre regard sur la marche et la course
comme " cadres d'expérience " (Goffmann, 1991), qui peuvent être collectifs ou
personnels. Nous comptons voir comment se construisent les discours de ces
expériences, nous allons voir notamment si la construction de l'enchantement de
Winkin est valable même s'il y a effacement d'un " événement majeur ". Les
ouvrages divers de notre corpus révèlent par le lexique des éléments communs à
ces cadres d'expérience tels que l'appropriation du paysage (et de la
solidarité humaine, suite à la filiation des générations par la géographie des
chemins), de la liberté, du temps, du silence. L'enchantement en tant que
construction de l'objet par des données discursives est surtout l'explicitation
de l'"en dedans" non physique du corps en mouvement, à savoir la pensée, la
(re)connaissance de soi, la spiritualité (cf. les chemins de Compostelle).
Mots clés : construction de discours, lexique,
non-événement, notion d'enchantement
Adam, J.-M., 2005. La linguistique textuelle. Introduction à
l'analyse textuelle des discours. Paris : Armand Colin. Charaudeau, P.,
Montes, R. (dir.), 2004. La voix cachée du tiers. Des non-dits du discours.
Paris : L'Harmattan. Cusin-Berche, F., 2003. Les mots et leurs contextes.
Paris : Presses Sorbonne Nouvelle Winkin , Y., 2001. Anthropologie de la
communication. De la théorie au terrain. Paris, De Boeck & Larcier,
Seuil. Winkin, Y., 2002. " De la pertinence de la notion d'enchantement
", in Simonin, J. (dir.), Communautés périphériques et espaces publics
émergents. Paris, L'Harmattan
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