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Histoire d'un non-événement discursif : L'absence du
désignant " parité " dans la révision constitutionnelle de 1999
Dans un " corpus de travail " (Pincemin et Rastier, 2000)
constitué par le dossier législatif relatif à la Loi constitutionnelle n. 99-569
du 8 juillet 1999 sur l'égalité entre les femmes et les hommes, nous retracerons
les étapes d'un non événement discursif, à savoir le manque dans le texte
constitutionnel révisé du terme " parité ". Si ce dernier circule dans l'espace
parlementaire comme désignant renvoyant à un positionnement favorable aux
quotas, et opposant la dimension symbolique (Cabasino, 2001) des "
universalistes " et des " différentialistes ", il reste pourtant le grand absent
dans la révision proposée. Pour comprendre la raison de cette absence, nous
élargirons la recherche à un corpus hétérogène de référence (Pincemin et
Rastier, 2000) qui encadre le débat parlementaire sur la " parité ". Nous
analyserons la filiation interdiscursive permettant la circulation du terme et
son passage du discours international au débat national, notamment philosophique
et médiatique, pour en arriver au débat parlementaire. Si l'expression " parité
" est réalisable en langue et attestée dans le discours national, autant
médiatique que philosophique, c'est alors l'interdiscours qui nie les
possibilités à l'événement discursif dans certaines conditions. À ce propos,
rappelons ce que nous avons démontré ailleurs sur l'événement discursif, à
savoir qu'il est déclenché par un événement sémantique préalable et que ce
dernier consiste dans une " nouvelle conceptualisation qui entraîne une
reconfiguration de l'hyperlangue " (Raus, 2003, p. 62 ; pour la notion
d'hyperlangue, voir Auroux, 1997). Nous verrons que les choix lexicaux
concernant " l'égal accès " renvoient à une vision des principes régissant
le social qui, tout en s'appuyant sur le discours international, ne peut que
s'adapter au discours juridique français. Mais nous émettons également
l'hypothèse selon laquelle le non-événement de " parité " à l'intérieur du
discours constitutionnel trouve tout d'abord sa justification dans la nature
même de celui-ci et, par conséquent, dans la difficulté du genre discours
juridique en général à reconfigurer l'hyperlangue suite à des mécanismes de
reclassification / recatégorisation ressentis comme allogènes, voire
dangereux.
Mots clés : débat parlementaire, événement
discursif, genres du discours, hyperlangue, parité, sémantique,
recatégorisation/reclassification
Auroux S., " La réalité de l'hyperlangue ", in Langages, n° 127,
1997, p. 110-121. Branca-Rosoff S., Guilhaumou J., " De 'société' à
'socialisme' ", in Langage & Société, n° 83/84, 1998, p. 39-77. Cabasino
F., Formes et enjeux du débat public. Discours parlementaire et immigration.
Rome : Bulzoni, 2001. Guilhaumou J., Discours et événement. L'histoire
langagière des concepts. Besançon : Presses Universitaires de Franche-Comté,
2006. Pincemin B., Rastier F., " Des genres à l'intertexte ", in Cahiers de
praxématique, n° 33, 2000, p. 83-111. Raus R., " L'évolution de la locution
'à la turque'. Repenser l'événement sémantique ", in Langage & Société, n°
105, septembre 2003, p. 39-68.
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