Rachele RAUS
Université de Turin (Italie),
rachele.raus@unito.it
 
Histoire d'un non-événement discursif : L'absence du désignant " parité " dans la révision constitutionnelle de 1999
 
Dans un " corpus de travail " (Pincemin et Rastier, 2000) constitué par le dossier législatif relatif à la Loi constitutionnelle n. 99-569 du 8 juillet 1999 sur l'égalité entre les femmes et les hommes, nous retracerons les étapes d'un non événement discursif, à savoir le manque dans le texte constitutionnel révisé du terme " parité ". Si ce dernier circule dans l'espace parlementaire comme désignant renvoyant à un positionnement favorable aux quotas, et opposant la dimension symbolique (Cabasino, 2001) des " universalistes " et des " différentialistes ", il reste pourtant le grand absent dans la révision proposée.
Pour comprendre la raison de cette absence, nous élargirons la recherche à un corpus hétérogène de référence (Pincemin et Rastier, 2000) qui encadre le débat parlementaire sur la " parité ". Nous analyserons la filiation interdiscursive permettant la circulation du terme et son passage du discours international au débat national, notamment philosophique et médiatique, pour en arriver au débat parlementaire. Si l'expression " parité " est réalisable en langue et attestée dans le discours national, autant médiatique que philosophique, c'est alors l'interdiscours qui nie les possibilités à l'événement discursif dans certaines conditions.
À ce propos, rappelons ce que nous avons démontré ailleurs sur l'événement discursif, à savoir qu'il est déclenché par un événement sémantique préalable et que ce dernier consiste dans une " nouvelle conceptualisation qui entraîne une reconfiguration de l'hyperlangue " (Raus, 2003, p. 62 ; pour la notion d'hyperlangue, voir Auroux, 1997).
Nous verrons que les choix lexicaux concernant  " l'égal accès " renvoient à une vision des principes régissant le social qui, tout en s'appuyant sur le discours international, ne peut que s'adapter au discours juridique français. Mais nous émettons également l'hypothèse selon laquelle le non-événement de " parité " à l'intérieur du discours constitutionnel trouve tout d'abord sa justification dans la nature même de celui-ci et, par conséquent, dans la difficulté du genre discours juridique en général à reconfigurer l'hyperlangue suite à des mécanismes de reclassification / recatégorisation ressentis comme allogènes, voire dangereux.
 
Mots clés : débat parlementaire, événement discursif, genres du discours, hyperlangue, parité, sémantique, recatégorisation/reclassification
 
Auroux S., " La réalité de l'hyperlangue ", in Langages, n° 127, 1997, p. 110-121.
Branca-Rosoff S., Guilhaumou J., " De 'société' à 'socialisme' ", in Langage & Société, n° 83/84, 1998, p. 39-77.
Cabasino F., Formes et enjeux du débat public. Discours parlementaire et immigration. Rome : Bulzoni, 2001.
Guilhaumou J., Discours et événement. L'histoire langagière des concepts. Besançon : Presses Universitaires de Franche-Comté, 2006.
Pincemin B., Rastier F., " Des genres à l'intertexte ", in Cahiers de praxématique, n° 33, 2000, p. 83-111.
Raus R., " L'évolution de la locution 'à la turque'. Repenser l'événement sémantique ", in Langage & Société, n° 105, septembre 2003, p. 39-68.