Laura SANTONE
Université Roma Tre
fiorenza.santone@libero.it ; santone@uniroma3.it
 
Événement et parodie. Le cas de la grippe porcine.
 
Le cas de la grippe porcine, scientifiquement déclinée comme grippe A ou grippe H1N1, a marqué en avril 2009 le surgissement d'un moment discursif où les discours des savants et des autorités officielles diffusés par les médias ont 'fait' l'événement. Mots, formulations, dires ont traversé la télévision et la presse, configurant une " traçabilité " énonciative que cette communication, s'appuyant sur un échantillon de différents moments de la campagne publicitaire, se propose d'interroger afin d'analyser " la façon dont 'ça' parle, 'ça' circule d'un article à un autre, d'une émission à une autre, d'un genre à un autre, d'un média à un autre " (Moirand 2007 : 4).
Plus précisément, nous focaliserons les 'traces' de la distance entre le discours de la communauté scientifique - qui suit une sorte de fil horizontal - et le contre-discours que la publicité parodique, dans un jeu d'appropriation polémico-ludique des dires des autorités politiques et sanitaires, a inscrit obliquement sur le web, en tissant les fils verticaux d'une texture où les reformulations procèdent du principe propre à la parodie : à savoir la verve caricaturale d'une reformulation-déformation de l'" air connu " et dont on analysera les marques linguistiques servant de support au passage entre le 'même' et l''autre' ; un paraphrasage axé sur un jeu d'aller-retour intertextuel ré-définissant et ré-catégorisant ludiquement le rapport au référent/hypotexte (Genette 1982: 40). Les vidéos de la publicité parodique diffusées par Youtube font ainsi contrepoint à la publicité officielle ; l'effet pragmatique s'inscrit dans le réseau d'un contre-dialogue dont des mots tels que symptômes, vaccination, prévention, procédant de pair avec ce mot de la mémoire collective qu'est grippe, tissent les mots-arguments jouant, au fil du détournement,  un "chant" - ôdé - "à côté" - para - qui dessine, au sein de la contre-argumentation, le positionnement des sujets prenant partie au champ de bataille du discours. Ces "  points de vue " émergeant de la publicité parodique, tout en prolongeant sur la toile le débat officiel, actualisent le(s) paradigme(s) désignationnel(s) d'une doxa qui configure, sur le web, cet espace sauvage, collectif et "contre-institutionnel" que Roland Barthes, dans son analyse des événements de mai 68, associait au mur, " lieu de l'écriture collective " et du " bonheur de l'expression ", et à la rue, lieu "de la parole désenchaînée", " espace contre-parlementaire et contre-intellectuel, opposition de l'immédiat aux ruses de toute médiation " (Barthes 1968 : 111). C'est-à-dire, dans le cas de notre analyse, l'événement envisagé au cœur d'une pratique langagière où l'immédiat trouve, dans l'espace collectif de Youtube, le média virtuel médiateur du discours de la polémique, de sa vulgarisation  et de son 'bonheur'.
 
Mots clés : analyse du discours, mémoire des mots, mot-événement, parodie, polémique
 
R. Barthes, L'écriture de l'événement, " Communications ", mai 1968, pp. 108-112.
C. Fuchs, " La paraphrase entre la langue et le discours ", Langue française, 53, 1982, pp. 22-33.
G. Genette, Palympsestes, Seuil, Paris 1982.
S. Moirand, Les discours de la presse quotidienne. Observer, analyser, comprendre, PUF, Paris 2007.
M.F., Mortureux, " Paradigmes désignationnels ", Semen 8, 1993, pp. 95-112