Christine SERVAIS
Université de Liège
Christine.servais@ulg.ac.be
 
Qu'arrive-t-il au lecteur ? Le traitement médiatique du raz-de-marée de l'Océan Indien du 26 décembre 2004
 
On s'interroge ici sur  " le rapport entre événement et normes/sens commun " dans le traitement qu'a fait le magazine belge La Libre Match du raz-de-marée de l'océan Indien du 26 décembre 2004.
L'analyse du discours des médias traite traditionnellement l'événement à la lumière des discours sémiotique et narratologique, soit dans le cadre d'une logique dialectique ordre/désordre : les médias sont réputés réduire l'inconnu, l'imprévu, l'incroyable, etc. que constitue l'événement à une structure appartenant à l'ordre de la répétition, du " sens commun ". Cette structure s'inscrit le plus souvent dans celle du récit : le média articule l'événement à une chaîne de causalités, il distribue les rôles, etc., de sorte que le récit qu'il en tire puisse faire sens dans l'ordre du savoir et de l'expérience des lecteurs.
Or, le Tsunami de décembre 2004 a ceci d'intéressant que, à l'instar de quelques autres événements en définitive assez rares (le 11 septembre 2001 par exemple), il rompt toutes les catégories de pensée, et se présente comme événement au sens propre du terme : irruption du réel en l'espèce de la mort, perte du sens et de l'identité, impossibilité de le réduire à une chaîne antécédente de causalité, etc. Comment le média résout-il cette contradiction essentielle consistant en ceci qu'il doit, pour en rendre compte, se situer à la fois hors du discours et dans le discours ? Nous analysons les manifestations discursives de cette contradiction en intégrant aux approches précitées la dimension de la réception : il s'agit de nous demander comment le média relaie le choc que constitue l'événement en nouant ensemble ces deux affirmations : l'événement fait quelque chose au discours médiatique et celui-ci fait quelque chose au lecteur. Cette dimension performative du discours sera soutenue par la déconstruction derridienne du signe linguistique ainsi que par la question du partage du sensible et l'opposition logos/phonè proposées par J. Rancière.
 
Mots clés : choc, destinataire, médias, phone, récit
 
Dayan, D., (dir.) La terreur spectacle, Bruxelles, De Boeck/INA, 2006.
Derrida, J., Soussana, G., Nouss, A., Dire l'événement, est-ce possible ?, Paris, L'Harmattan, coll. esthétiques, 2001.
Lamizet, B., Sémiotique de l'événement, Paris, Lavoisier, coll. hermès Sciences, 2006.
Rancière, J., La Mésentente, Paris, Galilée, 1995.
Vattimo, G., La société transparente, Bruxelles, Desclée de Brouwer, 1990.