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Ces " mots de trop " qui font le buzz :
l'événementialisation des écarts discursifs dans les colonnes des
quotidiens
Mécanisme d'amplification ou simple accumulation
d'insinuations, le buzz intervient dans de multiples circonstances et sur des
supports variés. Ce mouvement apparaît notamment dans les journaux, par exemple
quand ils se saisissent de propos individués, comme les " débordements " d'une
personnalité politique (Le Parisien du 28 janvier 2010), voire telle "
éructation d'obscur élu local " (les Echos du 21 décembre 2009), à la faveur
d'instantanés d'opinion publique. Le buzz témoigne alors du parcours de
certaines productions discursives qui se diffusent au gré de citations plus ou
moins replacées dans leur contexte (Torterat 2010), comme c'est le cas de
(possibles) erreurs de communication qui passent, tout à coup, dans la catégorie
des " faits marquants ". Les écarts discursifs, qu'on les appelle bévues ou
dérapages verbaux, peuvent prendre une dimension d'" événement " en ceci qu'ils
sont plus ou moins révélateurs d'un point de vue, et d'une certaine manière
d'aborder, le temps d'un propos incongru, l'altérité du tiers, et donc en partie
ce qui fonde la diversité des groupes sociaux et des communautés d'opinion. Ce
que la blogosphère et le monde des forums apportent à ces écarts discursifs,
consiste pour ainsi dire dans de nouvelles " règles du jeu ", auxquelles les
personnalités politiques, mais aussi les journalistes, ne sont pas encore
complètement habitués. L'information étant devenue interactive, elle
redimensionne les mots qu'emploient les uns et les autres, attribuant à tout
écart, même le plus " fugace " (Lopez-Muņoz 2006), une dimension événementielle
que les tentatives de rattrapage ne font le plus souvent qu'exacerber. Pour
saisir les implications de la démarche journalistique qui consiste à relater les
dérapages qui produisent le buzz, il semble opportun non seulement d'envisager
les manières dont les rédacteurs concrétisent et pour ainsi dire matérialisent
les faits (à travers les propos commentés en particulier), mais aussi recourent
à des procédés comme l'allusion (Moirand 2006) ou la remémoration (Torterat
2011), en élevant quelquefois ce type d'interventions verbales en véritables
faits sociaux. Nous verrons, à travers un échantillon d'articles de presse
quotidienne parus entre 2008 et 2010, ce à quoi correspond, dans le secteur du
journalisme contemporain, cette " stratégie du bref " (Drouet 2003) et les
critiques qu'elle suscite. Nous nous attacherons également à définir dans quelle
mesure ce type d'événementialisation conduit à immiscer dans l'inconscient
collectif (et retour !) des " phrases " et des " petits mots " qui persistent
malgré leurs auteurs, et qu'un buzz obstiné rend à la fois plurivoques et
particulièrement persistants.
Mots clés : buzz, écarts discursifs,
événementialisation, propos rapportés, quotidiens
Drouet M. (2003) : " Stratégies du bref ", Cahiers de Médiologie
16 : 119-127. Lopez-Muņoz J.M. (2006) : " L'Auto-citation comme stratégie de
persuasion à la limite de l'irresponsabilité. Etude de l'effet d'impartialité
obtenu au moyen de l'effacement énonciatif dans les forums de presse ", Semen 22
: 161-176. Moirand S. (2006) : Les Discours de la presse quotidienne, Paris,
PUF. Torterat F. (2010) : " Quand la publicité politique se confronte au buzz
journalistique : le cas des dérapages verbaux traités dans une rubrique de
quotidien ", Signes, Discours et Société 5 : http://www.revue-signes.info/document.php?id=1807Torterat
F. (2011) : " Entre linguistique, psychologie politique et sociologie des médias
: les écarts discursifs comme lieux de l'insconscient collectif ", Cahiers de
Psychologie Politique : 18 http://lodel.irevues.inist.fr/cahierspsychologiepolitique/index.php?id=1842
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